[S18] Dercour au couché de soleil...[Fini]

Il semblait que les trois surveillants avaient enfin une piste. Bon, il fallait admettre que c'était un peu mince, mais compte tenu de leur situations qui -on pouvait le dire sans se tromper- était carrément désespérante, c'était mieux que rien. C'est vrai quoi ! Que croyaient ils pouvoir faire à eux trois, sans un indice à se mettre sous la dent ? Fouiller toute l'ile ? Au moins tout ça ! Déjà rien qu'à voir Oliem, on comprenait tout de suite que c'était pas gagné ! Enfin bon, il fallait croire que nos trois gentils messieurs avaient un peu de chance, puisqu'ils avaient réussi à dénicher un lieux assez suspect de part ses agissements. Rien ne prouvait bien sur qu'ils allaient pouvoir trouver quelque chose, mais comme on dit : qui ne tente rien n'a rien ! Et puis les jeunes hommes n'allaient pas faire leurs pessimistes. Un peu d'espoir ne faisait jamais de mal !

C'est avec soulagement que Sun suivit la compagnie jusqu'à la voiture. Les grandes foules et tout ça, c'était enfin de compte pas trop son truc. Après tout, ça se comprenait au vu de sa situation. Vivre un jour sur deux, c'était loin d'être un avantage.
Donc, je disait que l'élémentaliste du feu se sentait soulagé de regagner l'automobile, mais ce sentiment ne fut pas de longue durée, lorsque Alme réalisa que Taki ne plaisantait pas quand il disait qu'il allait s'asseoir derrière avec lui. Le nouveau surveillant avait l'impression d'être un gosse qu'on avait besoin de garder à portée de main, au cas ou il lui prendrait l'envie de faire une connerie. Aucune protestation ne fut possible. Avant même qu'il ait pu ouvrir la bouche, les portières claquaient et lui, se retrouvait assit à l'arrière en « charmante » compagnie. Plus qu'agacé par le comportement de Kaefer, Sun décida de faire veux de silence. Pourtant il y avait un truc qu'il ne comprenait pas. Pourquoi le blondinet à la chemise le collait tant ? Le garçon avait toujours cru qu'il le détestait... Surtout depuis l'expédition dans la forêt ou l'un s'était retrouvé le nez dans la boue et l'autre, après un voyage dans les airs, dans les ronces. Bref, le comportement du meneur de groupe était des plus suspects !

La voiture démarra en silence. Assoriel avait une conduite fluide, reposante... Ah non ! Pas de repos ! Il ne fallait surtout pas qu'il dorme ! Mais la fatigue accumulée toute cette semaine se fit tout d'un coup sentir. Il est vrai que depuis qu'il était à l'E3, Sun n'avait pas eu beaucoup de nuits complètes entre les tours de gardes et les recherches. Il avait aussi la nette impression que Sunny non plus. Le trajet allait durer deux heures et puis il y avait le garçon au sabre... Il pouvait peut être se laisser aller. Un peu de repos n'allait pas leur faire de ma à sa sœur et à lui. De plus, elle était au courant pour l'expédition, donc ne serait pas surprise. Dans son sac de voyage l'élémentaliste avait aussi emporté quelques fringues pour filles par réflexe. La jeune femme ne sera pas démunie.
Bercé par le ronronnement de la voiture et le défilement du paysage, il ne fallut à Sun que quelques minutes pour s'endormir profondément. Et voilà que Sunny prenait sa place.

Le changement se vit tout de suite, d'une part par une poussée subite de ses cheveux et d'autre part par les vêtements qui soudain parurent trop grands. Sans compter son visage fin et délicat aux lèvres pulpeuses. La tête appuyée contre la vitre et les yeux fermés, on aurait dit un ange, si fragile, si innocente. On ne pouvait bien sur pas dire que la demoiselle était un canon, mais elle était jolie à sa façon. Sa beauté était plus simple, plus discrète, mais la surveillante n'en restait pas moins adorable. Et puis son physique allait bien avec son caractère réservé.
Insouciante de se qui se passait au tour d'elle, la jeune fille dormait.

[Désolée Kaefer, tu n'auras pas l'honneur d'endormir Sun. Bon courage Assoriel et surtout, protège là !!!! XD]

Le corps fin et inerte de la jeune fille fut d'un coup projeté en avant. Heureusement retenue par la ceinture se sécurité, elle ne fut pas éjectée de la banquette vers le pare-brise et le visage de Sunny n'échappa à la collision avec le siège de devant que de peu. Un petit cri de douleur s'échappa d'entre ses lèvre tandis que son cou frottait contre le lien qui venait de lui sauver la vie, laissant sur sa peau une fine marque rouge.
Comme réveil Sunny avait connu mieux. Et comme si le choc du freinage ne suffisait pas, une lame vint, sans qu'elle ne puisse réagir, se plaquer contre sa gorge.

Les yeux grand ouverts, l'élémentaliste de feu était entrain de se demander si elle ne rêvait pas. Ce n'était pas possible. Qu'est-ce qu'il se passait ? Est-ce que Sun avait fait quelque chose de mal ? Son frère s'était-il fait kidnapper, lui aussi ? Affolée, la jeune fille scrutait le visage de son agresseur. Elle avait beau chercher à comprendre ses motivations, elle ne voyait que la droiture de son regard, la méfiance et beaucoup, beaucoup de surprise.
Sunny déglutit avec difficulté, la respiration saccadée. Au fond de sa poitrine son petit cœur battait à tout rompre, menaçant de s'échapper de ce corps crispé. La jeune surveillante avait beau ouvrir la bouche, aucun son n'en sortait. Elle était tétanisée, désorientée et aucun visage connu pour lui permettre de faire face.

Aucun ? Un visage familier à la chevelure blonde apparut dans son champ de vision. Elle fut tellement heureuse de le voir qu'un soupir s'échappa d'entre ses lèvres.

-Mo... Monsieur Taki...

Sa petite voix était suppliante, tandis que dans sa tête germait l'explication de cette situation. Sun lui avait dit ou plutôt écrit que lui et deux autres surveillants partaient à la recherche des élèves disparus. L'homme qui était entrain de la menacer avec son sabre ne devait pas être au courant de la situation dans la quelle se trouvaient les deux élémentalistes de feu.
Sunny posa ses yeux brillants et apeurés sur le conducteur.

-S'il vous plait... Je... Je vais tout vous expliquer.

Tout son être implorait le garçon de ne pas lui faire de mal. Et tout au fond d'elle, Sunny maudissait son frère de ne pas avoir mit tout le monde au courant de leur malédiction. Après tout, ils étaient une equipe, ils avaient le même but, retrouver les disparut, et la moindre des choses aurait était de faire confiance aux deux surveillants en leur révélant tout. Ça aurait évité ce genre d'altercations.

- Je suis désolée... Je suis Sun... ny, la sœur de Sun... Nous partageons le même corps, quand il s'endort c'est moi qui prend sa place et inversement.

Ses joues se teintèrent d'un rouge écarlate. Elle n'avait pas l'habitude de parler aux gens et surtout sous la menace d'un sabre.
Des larmes brillèrent au coin des yeux tandis que la jeune fille poursuivait d'une toute petite voix.

-S'il vous plait... Je vous dit la vérité ! Demandez à Monsieur Taki...

La demoiselle n'était pas si démunie d'habitude. Sun l'avait obligé à prendre des cours autodéfense et puis, elle avait son pouvoir, mais sous le coup de la surprise, la surveillante à mi-temps n'avait pu que paniquer et sa timidité n'arrangeait en rien les choses.

Et Monsieur Taki accourut.
Certes, on accourt difficilement dans une voiture, mais si Sunny était genre kidnappée en pleine rue par des Yakuzas du FBI chinois, on verrait Kaefer accourir et voler à son secours.

Après s'être explosé le nez sur l'appui-tête du siège passager lors du coup de frein, après avoir vérifié que la ceinture ne l'avait pas décapité sous le choc, il regarda ce qu'il avait encore sous la main lorsqu'il avait voulu tapoter la cuisse de Bidule-le-nouveau (ou machin-le-nouveau, il ne savait plus): UNE CUISSE DE LADY! Parfaitement, si certains Messies changeaient l'eau en vin, Monsieur Taki changeait peut-être les hommes en femmes?
Monsieur... Monsieur Taki...

*Melloriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiine!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!*

Et ce conducteur adepte du freinage et du Burn version "Rapide et Dangereux 4" osait la menacer!

"Laisse cette jeune femme tranquille Baboulinet, ne t'a-t-on jamais appris qu'on ne menace jamais une Lady, et cela même avec une rose!!"


"ENLEVE-MOI CA DE LAAAAAAAA!!!!!"

Il tenta tant bien que mal de saisir le bras du goujat et de le plaquer contre le toit de la voiture, mû par la force de l'Amour (ou d'un truc dans le genre). Lui vivant, personne ne menacerait une fille dans une voiture, surtout si celle-ci avait comme malédiction de se transformer en homme antipathique. Certainement le coup d'une sorcière quelconque que le Surveillant allait devoir occir, mais pour l'heure il avait déjà un premier obstacle sur la route.

Le sabre retrouva son fourreau. Et les respirations leur rythme normal.

Bien.

Les mains d'Assoriel se posèrent sur le volant. Elles tremblaient. Les sourcils froncés, son regard perdu sur la route qui s'étalait devant eux. Une minute. C'est le temps qu'il lui fallut pour tourner la clé et mettre le moteur en marche, allumer les phares et repartir. Le ciel, abandonné par l'astre solaire perdait peu à peu ses teintes roses, et revêtait son manteau sombre quotidien. La nationale était déserte, l'arrêt brutal d'Assoriel n'avait visiblement perturbé personne, tout comme maintenant, à son démarrage. Si ses yeux clairs étaient dorénavant concentrés sur la route, ses sourcils froncés témoignaient de l'orage qui faisait rage sous son crâne...

Ce n'était pas le fait que Sun soit Sunny et Sunny Sun qui le dérangeait. Lio avait la même malédiction, à quelque chose près, et même s'il n'avait pas eu l'occasion de rencontrer sa soeur, il connaissait l'existence de ce genre « d'enfants siamois ». Et puis Assoriel était quelqu'un de discret, il acceptait totalement le fait que chacun ait ses secrets. Non, ce n'est pas simplement parce qu'il n'avait pas été mis dans la confidence qui le mettait en colère...

C'était parce que l'autre savait. Taki était au courant de cette particularité de la fratrie. Et c'est ça qui faisait enrager Assoriel... Il comprenait maintenant parfaitement les sous-entendus – qu'il pouvait maintenant juger déplacés – à la taverne d'Oliem. Cette excitation qui avait envahi le surveillant à l'évocation d'une chambre... Quand avait-il était mis au courant ?
…
Avaient-ils attendu l'absence d'Assoriel pour en parler ?
…
Y avait-il d'autres choses qu'on lui cachait ?

Si les questions se bousculaient dans l'esprit de l'ancien gladiateur, provoquant un raffut énorme dans sa tête, pas un bruit ne vint perturber le silence de la voiture. L'heure de route qui leur restait passa certainement lentement pour les passagers. Peut-être se réveillèrent-ils même en sursaut lorsque les créneaux de Dercour se détachèrent de la pénombre nocturne.

Ils ne purent s'approcher trop près de la forteresse. Un panneau et une barrière interdisait l'accès de la route en voiture et un parking de terre battue les invitaient explicitement à continuer à pied. Assoriel se gara donc sur l'esplanade quasiment vide et coupa le moteur. Contre toute attente, il ne se précipita pas à l'extérieur. Pourtant il étouffait dans cette ambiance, devenue hypocrite et malsaine pour lui. Il se tourna cependant vers ses collègues. Son regard teint bon lorsqu'il croisa celui de Taki et même celui de la jeune fille.

Y a-t-il d'autres choses que je devrais savoir ?

Le bégaiement envolé, sa voix pouvait paraître dure et chargée de reproches. Tout comme ses yeux qui passaient de l'un à l'autre, les défiant presque du regard.

Sommes nous bien une équipe ?

Peut-être était-ce trop lui demander... En tout cas ses mots vacillèrent sur la fin. Sa gorge serrée réprimait mal un sanglot. Oui, un sanglot. Car Assoriel avait peur. Peur d'être tombé dans un piège. Peur que les intentions de ses soi-disant compagnons ne soient pas les mêmes que les siennes.

Mais surtout peur pour elle... Et si ces gens n'étaient pas là pour l'aider à la récupérer elle, mais à le kidnapper lui... Comment ferait-il alors pour la sauver ? La retrouver...

Bien ? Ça ne semblait pas être le cas.
Sunny apercevait une partie du visage du conducteur grâce au rétroviseur intérieur et son cœur ne pouvait s'empêcher de se serrer en voyant ses sourcils froncés. Elle aurait voulu dire quelque chose. S'excuser de ne pas l'avoir mit au courant, mais la boule au fond de sa gorge l'empêchait d'émettre le moindre son. De toute façon, que pouvait-elle dire ? Elle ne savait pas ! Elle ne savait rien ! C'était pas sa faute. Non, c'était pas sa faute. Pourtant, la jeune surveillante n'arrivait pas à déculpabiliser et d'arrêter de se dire que sa place n'était pas dans cette voiture. Ces deux hommes ne voulaient surement pas d'elle. De cette fille si timide et émotive. Sunny était désolée. Tellement désolée d'avoir prit la place de son frère, d'avoir cette malédiction et d'être ce qu'elle était... Une élémentaliste de feu qui en avait que le pouvoir et non le tempérament. La jeune femme aurait pourtant tout donné pour être plus confiante en elle. Pour que les larmes arrêtent de lui bruler les yeux dès qu'elle se retrouvait dans une situation embarrassante, dans laquelle la surveillante était en position de faiblesse, où elle ne pouvait rien dire, ni se justifier au risque de froisser autrui.

Ses mains posées sur ses genoux tremblaient légèrement, tandis qu'elle essayait de reprendre pied et retrouver un rythme cardiaque normal. Sa tête rousse se tourna vers Kaefer Taki et la jeune fille afficha un pâle sourire. Sunny était reconnaissante à cet homme de l'avoir défendue et s'être souvenu de cette malédiction qui pesait sur elle et Sun. Un autre que lui aurait surement oublié l'insignifiante demoiselle assise à côté de l'homme, mais lui non. La jeune fille inclina légèrement la tête.

-Merci, Monsieur Taki.

Ce fut un doux murmure empli d'une gratitude immense, envers ce sauveur, puis Sunny tourna la tête vers la fenêtre, le regard se perdant dans la contemplation de la route. Le trajet fut silencieux. Chacun semblait plongé dans ses pensées.
La jeune surveillante essayait de se rappeler de ce qui avait été dit dans la dernière lettre de Sun. Étaient-ils en route pour Oliem ou les surveillants étaient déjà sur le chemin du retour ? L'élémentaliste de feu n'osait poser la question, attendant de voir. C'est donc avec surprise qu'elle découvrit le paysage devant elle. Une forteresse. Un parking. La route bloquée. Qu'est-ce que ça voulait dire.
Assoriel -si elle se souvenait bien du nom donné par son frère- se tourna vers les deux passagers. En entendant ses paroles, la jeune fille se figea, les joues devant écarlates et baissa les yeux, n'osant pas affronter le garçon.

- Je... Je ne savais pas que Sun ne vous avez pas mit au courant. Monsieur Taki l'avait découvert par hasard il y a environ une semaine. Je... Je suis sincèrement désolée de vous avoir blessé.

Sunny parlait d'une toute petite voix tremblante, voulant disparaître à chaque mot prononcé.
Dans un geste nerveux, la jeune fille détacha sa ceinture et avant de sortir précipitamment de la voiture s'excusa une nouvelle fois, refusant toujours de rencontrer le regard du conducteur. La portière claqua doucement derrière elle.

Dehors la nuit fraiche fit légèrement frissonner la surveillante. A moins que ce fût le décor qui l'attendait...

Niché sur sa colline, son pied d'estal, le château fort surplombait la vallée dans laquelle ils s'étaient garés. Si la nuit ne faisait qu'esquisser ses contours crénelés, les hautes tours de garde ressortaient clairement, hautes et fières. Ils étaient cependant bien trop loin pour remarquer les silhouettes à leurs fenêtres, ou celles sur le tour de ronde. De leur point du vue, les surveillants ne verraient absolument aucun mouvement agiter la citadelle. Etait-ce donc cela qui les rendait mal à l'aise ? La nuit n'était tombée que depuis quelques petites heures à peine et tous seraient déjà rentrés ? Et même couchés ! Car pas une lumière n'éclairait les fenêtres. Pas un bruit ne venait troubler le silence de la nuit. Un silence oppressant. Contre nature.

Au delà de l'absence de mouvement c'était l'absence totale de vie qui faisait froid dans le dos. Et dire que derrière les hautes murailles étaient sensés vivre des centaines d'habitants... Le chemin qui montait en pente douce vers les portes monstrueuses de la cité semblait ne pas avoir été emprunté depuis des siècles. C'était pourtant le seul passage pour accéder à Dercour. Un chemin de terre battue que l'herbe rase qui recouvrait la colline commençait discrètement à envahir.

[Avancez jusqu'à la porte, rien ne peut vous arriver.]

Le poing du surveillant eut à peine effleuré la gigantesque porte de bois qu'une lumière intense transperça la nuit, les aveuglant brusquement.

La cité est fermée. Rebroussez chemin.

Le ton était aussi peu avenant que ses mots. Baignés, inondés plutôt, dans la lumière du projecteur, les surveillants ne purent identifier l'homme qui venait de les interpeler. Quelqu'un d'armé, ça devenait évident, maintenant, savoir s'il était seul ou accompagné, c'était une autre affaire. A moins de monter vérifier... d'escalader la paroi lisse aux pierres incroyablement bien ajustées... et complètement aveuglé... dans le champ de tir de plusieurs hommes certainement...

Bon, et si avant de tenter l'ascension, on essayait la négociation ?

Votre élément ?

Attendri ou intéressé, nul n'aurait su discerner dans la voix autoritaire ce qui avait tout à coup radouci le garde. Oui, parce que malgré le ton agressif et la réponse peu loquace qu'il leur offrait, l'inconnu s'était détendu. Si c'était le ton assuré et même sympathique du meneur, ou la vision de cette jeune femme, à peine sortie de l'adolescence, apparemment dans le besoin, ou encore, la vision de cette même personne à peine sortie de l'adolescence, mais dotée des atouts d'une belle jeune femme... inutile de chercher à savoir. Autant en profiter pour se faufiler dans la petite ouverture qu'il leur proposait.

La lourde et impénétrable porte de Dercour semblait tout à coup moins inaccessible, moins infranchissable, comme si, avec la réplique du garde, elle commençait à s'entrouvrir aux surveillants.

Telle question était pourtant incongrue, déplacée même. S'ils ne pouvaient pas voir leur interlocuteur, tous en déduisit qu'il s'adressait à Sunny. C'était donc cette interrogation discriminatoire qui leur garantissait l'entrée dans la forteresse ? Ainsi l'élément, un trait de caractère, propre à chacun était la clé de cette gigantesque porte ?

[Sunny à toi donc !]

Le paysage faisait froid dans le dos. Sunny était rassurée par la présence des deux hommes à ses côtés, même si la jeune femme n'était pas complètement démunie, non plus. Le silence était inquiétant. Aucun bruit. Aucun échos d'une quelconque fête. A croire que la cité toute entière était endormie, ou pire. Déserte.
Les surveillants prirent la direction de la porte après que Kaefer ait essayé de rassurer la jeune fille. Elle lui offrit un sourire chaleureux et reconnaissant pour toute réponse, et se mit en marche. Arrivés devant la porte, leur chef de groupe prit l'initiative de frapper à la porte. La réponse ne tarda pas à leur parvenir. Nette. Tranchante. La cité était fermée. Que devaient-ils faire ? Faire demi-tour et repartir ? Insister ? Monsieur Taki choisit la deuxième solution, se servant de la demoiselle comme prétexte pour pouvoir rentrer. Sunny rougit, baissant les yeux. C'est vrai qu'elle était en piteux état, avec ses vêtements d'homme, trop grands et ses yeux rougis par les larmes qu'elle avait retenu tout à l'heure.

Votre élément ?

La voix de l'inconnu raisonna dans la nuit. La surveillante fut obligée de lever les yeux vers lui, ne sachant pas trop si c'était à elle qu'on perlait. Elle jeta quelques regards furtifs à ses compagnons pour avoir leur approbations. Ceux-ci semblaient attendre qu'elle ouvre la bouche pour parler.
Sunny se racla la gorge, n'aimant pas rendre la parole et être le centre de l'attention, et parla d'une toute petite voix.

-Je suis de l'élément feu.

Elle rougit de plus belle, baissant la tête et claqua des doigts. Une petite flamme apparut, vacillante au bout de ses phalanges. Une preuve qu'elle ne mentait pas. Puis la surveillante fit rapidement disparaître celle-ci, ne voulant pas qu'on se méprenne sur ses intentions. Que l'on croie qu'elle voulait attaquer ou quelque chose dans le genre.
Il ne restait plus qu'à attendre la réaction de l'inconnu et priait pour que les élémentalistes de feux soient appréciés dans cette cité.

Dans ce cas c'est différent.

Quelques ordres furent hurlés depuis le sommet de la forteresse. « Hissez la herse », « ouvrez la porte », « dégagez le chemin ». Et enfin, sans autre explication, les lourds battants de bois et de métal s'ouvrirent. Le vacarme fut assourdissant. Les énormes gonds grincèrent, transperçant la nuit d'un bruit strident et désagréable. Les chaînes passaient dans des engrenages invisibles, clinquant, s'entrechoquant dans un boucan infernal. Le bâillement métallique et interminable d'un château endormi depuis bien longtemps.

La bouche de la forteresse s'entrebâilla seulement. Le passage était assez large pour trois personnes, mais devenait exigu pour quatre. Ainsi Sunny avait trouvé la formule magique, le « Sésame ouvre toi ».

Entrez, soyez les bienvenus.

C'est l'invitation que devaient espérer les surveillants, car ils pénétrèrent dans la ville sans plus attendre. Alors que le projecteur ne les aveuglaient plus et que peu à peu, leurs yeux s'habituèrent à l'obscurité. Et le soulagement fut de courte durée. Bienvenus avait-il dit ? Etait-ce une plaisanterie ? Les accueillir avec des hommes armés jusqu'aux dents était donc une manière de leur souhaiter la bienvenue ? Pourquoi des sabres ? Pour le champagne ? Dans ce cas, pourquoi étaient-ils pointés dans leur direction ?...

C'est la procédure dorénavant.

La voix avait changé. Plus grave, plus posée. Plus autoritaire aussi. Ils ne furent donc pas étonnés de voir un insigne sur le torse de leur interlocuteur. Un homme aux larges épaules, vêtu de cuir souple, au regard fier et indéchiffrable. Il n'était armé que d'une lampe torche, il n'en était pas moins impressionnant.

Je suis Liam, le capitaine du maire. Veuillez excuser notre accueil, mais les temps sont durs. Vous auriez dû commencer par dire que vous étiez des élémentalistes de feu et pas un membre de ces... ces sous-espèces. Ca aurait simplifié les choses.

Une moue écœurée avait déformé son visage impassible, lorsqu'il avait parlé des « sous-espèces » d'élémentalistes. A croire qu'il s'en était fallu d'un cheveu de se rendre malade simplement en les évoquant.

J'ai cru comprendre que vous étiez fatigués. Permettez moi de vous conduire jusqu'à chez moi.

Après quelques ordres jetés à la volée, les gardes se séparèrent en deux groupes. Le premier retourna sur les murailles et derrière la porte. Le deuxième escorterait les invités et le capitaine.

Et alors que le petit groupe s'éloignait dans les rues sombres de la forteresse, les portes se refermèrent. Dans un bruit assourdissant.

La cité est close.

[Pour faire moins lourd, ce sera dans le prochain post, celui d'Assoriel que sera faite la description de la ville.]

[J'ai totalement oublié ce sujet. Désolée.]

Sunny poussa un soupir de soulagement. Elle n'était donc pas totalement inutile, ce qui la rassura un peu. Après l'épisode de la voiture, sa confiance en elle était vacillante et incertaine. C'était à Sun de se trouver à sa place, après tout et la colère d'Assoriel lui avait fait mal un peu. Elle était comme une intruse, une étrangère qui brisait cette équipe d'hommes. Enfin, maintenant ça allait mieux, d'autant plus que les portes -ce mur semblant inaccessible- s'ouvraient pour elle et grâce à elle. La jeune fille ne prenait pas la grosse tête, non. Ce n'était pas le genre de la maison, Sunny était juste contente d'aider ses compagnons.

Ils pénétrèrent tous les trois dans la forteresse et les portes se refermèrent. Le Capitaine du maire se présenta à eux, leur offrant sa maison comme endroit de repos, ne sachant pas que la demoiselle était seule à maitriser le feu. Sa réaction aurait surement était différente si les deux hommes avaient parlé de leur élément, puisque Liam semblait mépriser tous ceux qui était différents. Ça aurait dû la choquer, mais ce ne fut pas le cas. C'était comme si elle comprenait son ressentiment, même si elle même ne ressentait pas de sentiments aussi forts. Sa timidité y était surement pour quelque chose, ainsi que sa courte présence en ces lieux.

Dans la chambre que leur présenta l'homme se trouvaient deux lits. Le décors y était étrange, mais Sunny ne s'en formalisa pas, un peu perdue, ne comprenant pas grand chose à ce qu'il se passait à Dercours. Ils auront surement les réponses demain, si on leur laisse la possibilité de poser quelques questions, ce qui était loin d'être une certitude.
La jeune femme se tourna vers les deux hommes.

« Vous pouvez prendre les lit. Moi, je ne peux pas dormir. Je pense qu'il serait mal vu que demain, à ma place, c'est Sun qui se présente au Capitaine. »

Un las sourire éclaira ses traits.
L'idée d'une balade nocturne traversa son esprit, mais ce n'était peut être pas une bonne idée au vu des circonstances. Les habitant de la forteresse semblaient se méfier des étrangers et si on les retrouvait dehors en plaine nuit, leurs ennuis seraient grands. Enfin, peut être que ce n'était pas l'avis des deux autres...