Kirlim observa attentivement la jeune fille. Elle s'était assise en tailleur face au lac. Elle, le lac, tous deux étaient les miroirs du soleil, ils étaient aussi miroir du miroir du soleil, le lac reflétant Kana dans ses calme ondulations, Kana reflétant le lac sur son visage rayonnant de mille feu. Le soleil semblait leur prêter main forte à tous les deux, comme pour grandir une beauté déjà trop apparente. Kirlim la regarda un moment, sans rien. Le lac, Kana, le soleil, lui, tout était si calme, si serein, dans cette ambiance de bien-être, tout semblait se ramolir. Lui-même, brute qu'il fût, ou qu'il était car il restait et demeurait Kirlim, paraissait être un chérubin sur une toile de maître.
Ils restèrent longtemps ainsi, à regarder la dérive du soleil sur le lac. Kana lui avait parlé, mais il ne lui avait pas répondu. Semblait-il au moins avoir entendu? Puis Kirlim se réveilla, il secoua la tête et jeta un regard dans les alentours. Il jeta un regard au soleil, celui-ci était presque couché, déjà... Ils étaient resté bien plus de temps qu'il l'avait prévu ici, à contempler l'astre et le miroir. Il regarda Kana dans ses yeux aux multiples reflets.
"J'imagine la scène... ça doit être magnifique! Rien à voir avec tout ce que j'ai connu. J'aurais sûrement jamais eu envie de peindre quoique ce soit de mon quartier apocaliptique... J'ai hâte de voir ce tableau, tu m'appelleras!"
Il la regarda, puis lui sourit. Il avait l'air si doux sous cet angle! Rien à voir avec la brute épaisse habituelle, rien à voir avec le Kirlim que tout le monde connaissait. Peu de gens l'avait déjà vu dans cet état-là... aucun pour ainsi dire... aucun sauf...
Il sortit brusquement de ses pensées mélancoliques puis redevint l'habituel terre à terre qu'il est.
"Je suis désolé, j'avais mal réparti notre temps, on pourra rien voir de plus aujourd'hui... Je te racompagne si tu veux. Je te ferais visiter le reste de l'école demain... Si tu es d'accord."
Il contempla la jeune fille assise dans l'herbe quelques minutes. Puis il lui tendit la main. Il partirait avec elle, ils s'enfuiraient tous les deux avant que l'obscurité et la fraîcheur des nuits de printemps ne les rattrappe.