[S19] On passe sa vie à dire adieu à ceux qui partent. [PV Erika]

[Chronologie =p ?]

[Je ne sais plus où on en est vu qu'il n'y a pu de portail S18 ? S19 ?]

En théorie fin de semaine 18 mais ce serait mieux début de semaine 19

[OK ! ]

De nombreux évènements avaient eut lieu ces derniers temps dans la vie de la petite terramancienne. Des combats plus durs les uns que les autres, l'enfermement qui aurait pu la rendre folle, la rupture violente et incompréhensible de Keen. La mort. La petite demoiselle aurait voulu tout oublier des évènements récents, comme s'ils n'avaient été qu'un songe, une larme le long d'une joue qui disparait l'instant suivant dans un éclat de rire, bref et intense. Mais ce n'était pas possible, car il y avait eut le corps de Kazuma, étendu devant elle alors qu'elle tentait à son tour de sauver sa vie. Le sacrifice du jeune homme était marqué à jamais dans sa mémoire comme si quelque chose s'était cassé en même temps que le garçon avait fermé définitivement les yeux. Peu importait qu'elle ne l'ai jamais côtoyé plus que ça, elle avait vu sa vie s'envoler devant ses yeux et cela suffisait à la terroriser. Cela aurait pu être elle, cela aurait pu être Keen, Layna. Quelqu'un qu'elle aimait.
Erika avait eu tendance à cauchemarder depuis son retour, comme si le calme ne reviendrait jamais dans sa tête. Tout avait changé depuis quelques temps. Elle était désormais bien seule dans son cabanon. Keen l'avait quittée, simplement, comme si l'amour qu'il lui portait n'avait été que traitrise et fugacité quant à Layna, elle ne l'avait pas revu depuis leur retour et finissait par croire qu'elle ne la reverrait plus jamais. Sa petite sœur de cœur était hospitalisée depuis leur retour et personne n'avait le droit de la voir, quelque part, Erika avait fini par se dire que ce n'était pas plus mal. Voir la demoiselle dans le coma aurait eu raison de ses dernières forces. Damus quant à lui avait disparu depuis tellement de temps que la petite fille ne savait même plus à quand remontait leur dernière discussion. Finalement, Laokess n'était plus rien pour elle, ce n'était plus ce havre de paix qui la rattachait au monde des vivants. Elle avait tout perdu et s'être échappée de l'enfer ne l'aidait pas à trouver son paradis.

Cela faisait sans doutes plusieurs jours que la jeune femme était dans sa chambre. Les volets du cabanon étaient clos et Erika profitait du silence pour méditer, pour tenter de calmer son esprit et aussi, pour tenter de prendre une décision. L'avenir n'annonçait rien de bon. De ses rares souvenirs du combat final, il semblait à Erika qu'ils avaient perdu aussi, le temps leur était sans doutes compté. Pourtant, aussi étrange soit-il, elle ne craignait pas de mourir, au contraire, cela l'aiderait peut-être à trouver sa délivrance. Elle avait côtoyé les âmes et les esprits et cela ne lui faisait plus peur. Elle était seule, désespérée et désespérément seule.
Le sommeil gagna la jeune fille qui avait pleuré encore une fois en se rappelant ce qui s'était passé dans cette prison aux murs de pierre aussi épais que la haine qui entourait désormais le cœur de son amant. Dans ses rêves, elle revit sa rencontre avec Layna. La demoiselle aux cheveux roses vifs l'avait croisé au beau milieu d'un couloir, alors qu'elle cherchait son chemin. Elle avait toujours su être là pour elle et quelque part, Erika espérait que la réciproque avait été vrai également. La petite demoiselle se souvint également de sa rencontre avec ce jeune homme qui manipulait si bien l'eau du lac, elle en avait oublié le nom mais le ballet qu'il lui avait offert ce soir là et ses yeux malicieux étaient gravés dans sa mémoire à jamais.
Un peu plus tard, elle se rappela d'Irys, la demoiselle au caractère bien trempé qu'elle avait rencontré dans le parc, ainsi que de Damus, qu'elle n'avait pas manqué de gronder pour son batifolage ou encore, pour les dégâts qu'il osait faire aux pauvres arbres sans défense. Enfin, elle se rappela de ce jour où elle avait vu Kirlim sortir nu du fameux lac, ce jour où, en prime, elle avait rencontré la personne la plus froide qu'elle connaissait en ce bas monde, j'ai nommé Rin ExNihilo. De tous, c'était cette femme qui avait le plus perturbé la manipulatrice de la terre, de par sa froideur, elle lui rappelait sa sœur cadette et sa mère.

Ce fut non loin du réveil que la petite demoiselle se souvint de sa rencontre avec Keen. Elle revit son visage la première qu'il l'avait vu sous sa forme de louve ou encore, la première fois qu'il lui avait dit qu'il l'aimait, ce soir de bal où, tel Roméo, il lui écrivit "je t'aime" dans la buée accrochée à la rambarde. Elle l'avait aimé, elle l'aimait toujours et le film de leur aventure passa devant ses yeux tant et si bien qu'en se réveillant, Erika décida qu'elle devait rester à Laokess. Même si son amant ne partageait plus ses sentiments, elle le savait peu sur de lui et parfois tête en l'air, suffisamment du moins pour s'attirer des ennuis et pour ça, elle devait rester dans l'E3. De loin, elle le protègerait et le jour où il n'aurait plus besoin d'elle, elle disparaitrait dans la nuit, aussi simplement qu'un songe. Son amour, elle le vivrait par procuration jusqu'à ce que, doucement, il s'éteigne comme il s'était tu chez l'aquamancien.
En se réveillant, Erika savait qu'elle devait rester dans l'école, le temps de faire le point un minimum, le temps de réapprendre à vivre aux côtés de Keen sans être avec lui. Elle avait eu tendance à se rattacher aux gens sans chercher à vivre par elle-même, aujourd'hui, l'opportunité lui était donnée d'apprendre ce nouveau chapitre dans l'histoire de sa vie.
Un coup, deux coups secs à la porte du cabanon.
Son cœur s'envola un instant, le temps de croire que c'était Keen, mais au final, elle se dit que ce devait être Layna. Non en fait, à bien y réfléchir, ça ne pouvait pas être elle non plus, la demoiselle n'aurait pas pris la peine de frapper, elle lui aurait tout simplement sauté dans les bras sans sommation. Alors, qui ?

La petite métamorphe n'osa pas ouvrir la bouche, effrayée qu'elle était. Etait-ce le destin qui frappé à sa porte, faisant voler en éclat ses belles paroles concernant la mort ? Elle osa se lever de son lit, se disant qu'il était grand temps à son âge d'être un peu courageuse et de faire face au monde au lieu de se laisser bercer par les autres. Elle se dirigea vers la porte qu'elle ouvrit.
Le destin était bien là, en face d'elle, en la personne de Keen. Mais le destin faisait mal, brisant toutes ses belles résolutions prises au réveil.
Il partait.
Sans elle.
Il la quittait une seconde fois.
Les larmes montèrent à ses yeux sans qu'elle ne puisse les en empêcher.

" Ne pars pas sans moi ! " ne put-elle s'empêcher de lui dire sans pour autant oser l'approcher.

Elle se mordit la lèvre inférieure, consciente de sa bêtise et du fait qu'il devait surement la trouver "lourde" comme disaient les jeunes de nos jours. Elle se ravisa, la tête toujours dans l'entre-bâillement de la porte et ajouta, timidement cette fois-ci et les joues rosies par sa première réaction :

" Tu rentres pour des vacances chez toi ? C'est gentil de me prévenir, tu me manqueras beaucoup, quand reviendras-tu ? "

Elle savait qu'il était venu lui dire adieu, elle l'avait lu dans ses yeux, mais la jeune femme se refusait à y penser. Elle ne voulait pas y croire, jamais.
Il allait partir sans elle, et il était venu le lui annoncer.
Ce fut à cet instant précis qu'Erika sentit son propre monde s'écrouler sous le poids de ses sentiments.

[ Ton post était superbe !
Pour ma part, entre la télé et le neveu, j'ai eu beaucoup de mal ! ]

[Encore désolé pour l'attente inutile !]

Ni Erika ni Keen ne s'étaient attendus à cette impulsion désespérée : ne pars pas sans moi. La fautive rougit et sanglotte avant de vêtir un ridicule masque de fausse contenance tandis que le garçon a un imperceptible geste de recul. Voilà pourquoi Keen ne voulait pas faire ses adieux à la Terramancienne : elle était tout ce pour quoi il hésitait encore à partir. Le seul ancrage à sa vie sur Laokess. Il avait su mettre à profit les quelques jours qui ont suivi son sauvetage pour se convaincre que ni Wigzi, ni Rin, ni la Tache, malgré tout l'amour qu'il portait pour eux, ne valait de rester ici. Aucun des trois, bien que débordant d'amour à son égard, n'était capable de le faire sentir chez lui.

Et il y avait Erika, la douce Erika, celle pour qui il s'était entichée, celle pour qui il ressentait encore des sentiments, mais celle qui était la seule à lui mettre des bâtons dans les roues à l'heure de son départ. Ce qu'elle s'empressait de faire, bien entendu, en l'implorant de la sorte.

Sans doute consciente de la gêne qu'elle avait brièvement provoquée (ou plus encore gênée que Keen, qui sait ?), Erika, avec ce faux sourire qui dégoûlinait d'hypocrisie. Keen voyait tous les sentiments que lui-même parvenait à dissimuler avec un triste brio transparaître dans les yeux désespérées d'Erika. Sans doute s'était-elle attendue à tout venant de la part de son ancien amant, tout sauf un départ précipité.

Des vacances, murmure-t-elle maintenant, avec ce qu'il faut de confiance pour s'en persuader. Ou pour le persuader, lui. Oui mais non, ça ne marchera pas, ni sur elle, ni sur lui, parce que ça fait bien longtemps que ni l'un ni l'autre ne croit plus au Père Noël.

C'est d'une voix hésitante que Keen se lance :

« Non non Erika, je m'en vais. Je ne reviendrai plus. »

Il se rendit compte qu'il traçait du bout de sa chaussure de timides cercles sur le sable. Il stoppa son mouvement.

« J-je ne peux pas tout t'expliquer. Pas en détails. Sache juste que ce n'est pas à cause de toi que je pars. »

Au contraire, songe-t-il, puisque tu es la seule personne qui me retienne ici.

« Alors... V-voilà » conclut-il maladroitement.

Il allait s'esquiver mais finalement s'avança vers elle et déposa un baiser à la commissure des lèvres.

« Prends soin de toi. »

La jeune fille aux yeux rouge sang tentait de se convaincre tout comme elle tentait de convaincre peut-être quelque part son ancien amant. Des vacances ne lui feraient pas de mal, elle ne pouvait que le concevoir ainsi. C'était sans doutes pour cela que la demoiselle avait employé ce terme et non un autre. Elle aurait aimé y croire, se dire que ce n'était qu'une brève séparation qui ne pourrait que leur faire du bien à tous les deux mais son interlocuteur brisa le mince espoir qui venait de naitre dans son cœur meurtri. Il ne reviendrait plus. Ces mots se brisèrent sur les rivages de la conscience de la petite fille qu'elle était et s'échouèrent encore et encore, tentant de toucher la conscience de la demoiselle sans y parvenir. Erika était sans doutes trop choquée pour vouloir laisser ces quelques mots atteindre son cœur et le briser définitivement.

La petite terramancienne se rendit alors compte du malaise qui animait son compagnon. Il traçait des cercles dans le sable et semblait mal à l'aise.
Elle le laissa agir, ne comprenant pas ce qu'il cherchait à lui dire. Il voulait partir mais tout dans son comportement, jusqu'à ce baiser délicat à la commissure de ses lèvres, indiquait le contraire. Keen ne voulait pas partir ou du moins hésitait-il à le faire, il n'y avait pas d'autre explication. Elle prendrait soin d'elle, mais pas seulement. Une colère sourde et silencieuse gagna le cœur de la jeune fille, motivée par ces quelques mots "je ne reviendrais plus". Elle plongea son regard dans celui de son interlocuteur et malgré tout l'amour qu'elle lui portait, le gifla. Sans doutes allait-elle pleurer, sans doutes, mais pour l'heure, la question n'était pas là.

" Tu n'es qu'un idiot Keen. " hurla-t-elle presque.

A présent, la colère n'était plus aussi sourde, elle ne demandait au contraire qu'à exploser avec violence, qu'à détruire et dévaster tout sur son passage.

" Tu n'as pas changé, tu es toujours aussi peureux au final n'est-ce-pas ? "

Elle était dure et le savait pertinemment, d'ailleurs, le jeune homme esquissa un mouvement de recul.

" Non ! Tu m'écouteras jusqu'au bout ! " hurla-t-elle cette fois de façon sure.

Un banc de terre s'éleva derrière le jeune homme de sorte à l'empêcher de sortir de la pièce. Erika n'en avait pas fini. A présent, la colère était à son paroxysme ...

" Tu n'es qu'un lâche Keen, tu fuis encore une fois, tu ne fais que fuir ! Tu n'es qu'un lâche ! "

La colère cédait maintenant petit à petit sa place à la tristesse. La voix d'Erika s'en faisait ressentir.

" Lorsque tu es arrivé ici, j'étais tellement contente. Je me souviens encore de notre rencontre sur le lac. J'étais tellement effrayée que tu découvres cette forme humaine viciée et hideuse que j'étais que je n'osais pas me montrer sous un autre jour que sous cette forme de louve. Mais tu m'as appris à devenir forte, tu m'as ouvert les yeux sur ce monde que j'avais peur d'affronter. Tu as ouvert mon cœur et mon âme aux autres. Tu m'as aimé et je t'ai aimé en retour, rien n'a jamais été plus doux et plus formateur pour moi. Tu m'as sauvé et je t'en remercie. "

La voix d'Erika se fit plus douce, plus chaleureuse et la colère quitta petit à petit son esprit et son regard pour céder sa place à autre chose.
De la douceur.
Plus elle se souvenait de ce qu'ils avaient vécu ensemble et plus elle se sentait étrange. Cet amour qu'elle avait enfoui dans un coin de sa tête uniquement pour ne plus avoir mal refaisait surface désormais. Elle l'aimait, c'était indéniable et elle ne pouvait finalement pas le nier.

" Et toi Keen, qui te sauvera ? "

La petite fille le regarda pleine de désespoir et de tendresse mêlée.
Elle tendit la main dans sa direction. Cette main signifiait beaucoup pour elle. Le pardon, l'amour, la douceur et encore bien d'autres. Si Keen l'acceptait, elle partirait avec lui ou l'obligerait à rester à Laokess, s'il la refusait, Erika ignorait ce qu'elle ferait. Sans doutes se ferait-elle une raison et oublierait-elle le jeune homme. Sans doutes le laisserait-elle partir ... elle n'était sure de rien. Elle ne pouvait être sure de rien.

De tout temps à jamais Keen n'avait jamais aimé endosser le rôle du "méchant". D'ailleurs, cette veste ne lui allait pas du tout. Mais s'il est bien une personne à qui le rôle collait encore moins, c'était à Erika. Et le garçon avait conscience que ça n'était pas à force de pirouettes et d'artifices qu'il saura se débarasser de la tâche ingrate de briser son le coeur de la demoiselle : il ne trouverait le salut qu'en exprimant ce qui pesait sur sa conscience.

C'est donc avec une voix qui lui semblait provenir d'à des kilomètres de là qu'il s'entendit lui avouer qu'il n'avait pas l'intention de revenir. Ajoutez à cela un baiser à un pouce des lèvres et chazam, vous voilà débarassé de vos fantômes. Seulement voilà, la fragile Erika qu'il connaissait, du moins, qu'il croyait connaître, à l'image du serpent, mua. Le front immaculée de la princesse de la Terre se couvrit de fines rides de colère tandis que ses sourcils se fronssèrent. Ses yeux, habituellement emprunts d'une douce chaleur, se remplirent d'un feu terrible et ravageur, ses lèvres se pincèrent et, pour la deuxième fois de sa vie, Erika le gifla.

Sa voix douce était ponctuée de notes aigres et amères, et les mots qu'elle lâcha au visage du garçon étaient tout aussi cinglants. Alors que la voix de la raison sommait Keen de ne pas bouger, ses pieds, indépendants de sa volonté, l'amenèrent un pas en arrière. Mauvaise idée ; ses genoux vinrent buter contre l'oeuvre de la terramancienne et le garçon se retrouva assis, assez loin d'Erika pour ne pas à subir de nouvelles gifles intempestives mais trop proche pour espérer s'eclipser avant que l'ire de son interlocutrice ne soit terminée.

Et c'est reparti pour la dance des couteaux ; des reproches qui se tintent petit à petit de gratitude tandis que la voix d'Erika perd de son amertume et Keen ne peut que déplorer que son plaidoyer lui avait beaucoup pesé.

Et toi, Keen, qui te sauvera ? Le grand chambardement.

Et Keen se vit, se devina plus qu'il ne se vit, lui répondant que ça n'était pas à elle de le sauver. En 98, au cinéma, sur un bateau qui sombre, cette réponse avait déjà montré à quel point elle était hypocrite et fausse. Puis il se devina se lever, poser sa main sur l'épaule de la jeune fille, lui déposer un baiser sec sur sa joue rougie et enfin quitter l'E3 sans un regard en arrière, sans prêter attention aux sanglots d'Erika.

Et puis il se devina, sentit plus qu'il ne se devina, dix ans plus tard, le coeur déchiré par l'absence de l'Être Cher, tandis que la vue de chaque pousse d'herbe n'est que du sel sur ses blessures amoureuses.

Keen comprit alors qu'il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait le sauver. Pas lui mais elle, celle qui tentait de fuir. Celle par qui tout avait commencé, et celle par qui tout se terminerait, il l'avait deviné.

Tandis que la jeune fille haletait doucement entre ses dents serrées, le regard embué, Keen se leva et glissa sa main dans sa poche-revolver pour en extirper le billet aller-simple pour Londres. Sa seconde main se colla à la première, comme pour le déchirer, puis finalement il se ravisa.

« Je ne peux pas rester. »

Alors que le visage de son amante se décomposait, il reprit, sans un sourire : « Viens avec moi. »

Nulle colère ne pouvait se lire dans les yeux de la petite terramancienne, cette main tendue était le symbole de tous ces sentiments qu'elle lui portait encore. L'amour, le pardon, la douleur et la tristesse certes mais que contrebalançaient la douceur et une infinie tendresse. Erika aimait Keen, aussi simplement et aussi surement que les poules n'auraient jamais de dents … Qui allait le sauver lui, le jeune aquamancien, de ses tourmentes internes, de cette ombre qui semblait prête à le dévorer tout entier, à le consumer et le détruire sans un regret ? La petite fille aux yeux de sang savait parfaitement qu'elle serait incapable de vivre sans lui, que le temps n'effacerait ni la douleur de leur séparation encore récente, ni les cicatrices que laisserait ce nouvel abandon et pourtant, elle était persuadée d'une chose, il allait partir. Avec elle ? Erika en douta jusqu'au moment où il fit semblant de déchirer le précieux billet symbole de sa liberté.
Erika allait sourire, mais elle se ravisa lorsqu'il ouvrit la bouche. Il devait partir, tels étaient ses mots. Qui était-elle pour vouloir se l'accaparer ? Qui était-elle pour l'empêcher de partir quand tout son être semblait vouloir fuir cette école ? La jeune fille se résigna, si elle avait un jour compté pour son interlocuteur, tout n'était plus que souvenir aujourd'hui, elle ne pouvait pas, au nom d'un passé révolu, être celle qui gâcherait les rêves d'avenir de son amant. En réalité, par ce simple geste de la part de ce dernier, elle comprit qu'elle ne voulait pas être celle qui gâcherait ce nouveau départ, elle ne voulait pas de ce rôle … Pourtant, elle voulait qu'il reste.

Cruelle vérité.
Cruelle réalité.

Erika réprima un sanglot. Tout cela n'avait duré qu'une poignée de secondes mais ce fut comme une éternité dans le cœur endolori de la demoiselle. Se forçant à sourire, la jeune élève allait lui souhaiter bonne chance, se mentir une dernière fois pour le bien de son aimé mais une nouvelle fois, il la rattrapa avant qu'elle ne se soit mise à courir. Ce fut une simple phrase qui chamboula son cœur, comme si un déluge venait de s'abattre sur ses frêles épaules sans qu'elle n'y soit prête. Erika plongea son regard grenat dans celui de son compagnon pour être sure d'avoir bien entendu. Avait-il réellement prononcé ces paroles qu'elle attendait depuis si longtemps ? Etait-ce un rêve ou un jeu de la réalité qui se moquait encore une fois d'elle ?
Les yeux de Keen ne lui avaient jamais menti. Depuis la première fois qu'elle avait fait sa rencontre, la jeune fille avait toujours su y déceler la vérité là où sa bouche mentait. Il lui avait demandé de partir, simplement, sans un sourire. Le cœur de la petite fi un bond dans sa poitrine et manqua sans doutes d'exploser tandis qu'elle saisissait sa main avec douceur.

« Je viens avec toi. » murmura-t-elle sans le quitter des yeux.

Qui d'autre qu'elle pouvait le sauver ? Qui d'autre que lui pouvait la sauver ?

[ Ouille désolée ! ]

Keen découvrait les fruits de son impulsion en même temps que la jeune fille et ce qu'il en ressentit, finalement, ne le fit pas grincer des dents. Pis encore, il comprit alors, de manière plus certaine encore que deux et deux font quatre que telle était la place du Londonnais, avec elle, loin d'ici. C'était une évidence innée qu'il ne découvrait que maintenant, alors qu'il était sur le point de l'abandonner. De s'abandonner lui-même, en quelque sorte.

Aussi ne se ravisa-t-il pas. Il aurait été plus aisé et peut-être plus sage que de faire l'autruche à nouveau et d'intimer à Erika de rester ici mais pourtant, cette pensée ne l'effleura pas, parce que le mal, ou le bien, était fait et que c'était ainsi l'ordre des choses. Non pas que Keen croyait au destin mais il venait d'acquérir pour certitude absolue que tous deux ne faisaient désormais qu'une seule entité, unie, soudée, à l'image du Petit Soldat de Plomb et de la Ballerine.

Il ne bougea pas non plus quand la jeune fille lui saisit avec douceur sa main alors qu'une demi-heure auparavant tout son être en aurait frissonné de peur et de dégoût. Sans ciller ni détourner ses yeux de braise, Erika souffla plus que ne murmura, d'une voix emprunte de sérénité et de confiance en un avenir meilleur :

Je viens avec toi.

Ainsi donc, de par quatre mots, Erika avait scellé de fers rosis par le plus pur des sentiments leur avenir. Keen se vit l'espace d'une seconde transporté cinq ans plus tard, dans un appartement londonnais coasy à souhait, partageant avec sa douce un petit-déjeuner serein et silencieux, non pas silencieux comme le sont les repas ennuyeux, mais ici parce qu'ils n'avaient plus besoin des mots pour communiquer car désormais un seul sourire, un seul battement de cil suffisait à rappeler à l'autre la puissance de leurs sentiments. Lui deviendrait médecin et sauverait des vies avec un scalpel et non plus avec son pouvoir. Elle ? Il n'en est pas certain mais il l'imaginait psychologue ou institutrice parce qu'il n'y avait pas de meilleure confidente que son Erika.

Il s'imaginait aussi, peut-être trop présomptueusement, caresser le ventre rebondi de sa petite amie, fiancée, ou femme qui sait ? sentant à travers la peau douce d'Erika le battement de pieds d'une petite créature avide d'oxygène et du contact de ses parents. Si c'était une fille, Keen laisserait à la jeune femme le choix du prénom.

Si c'était un garçon, il l'appellerait Kazuma. Car donner son nom à une vie naissante lui enleverait peut-être le remord causé par la perte du Pyromancien du même nom.

Et puis il fut happé par la réalité. Erika le dévisageait toujours, attendant ses directives. Il voulait lui dire tellement de choses, qu'il l'aimait comme un fou, que tout allait bien se passer, que leur vie ne faisait que commencer... Tant de secrets et de promesses qu'il ne savait pas par où commencer. Aussi ne dit-il rien et avec le plus tendre, le plus serein, le plus candide des sourires, il invita Erika à le suivre vers la navette qui les amènerait jusqu'à l'aéroport. Lequel les mènerait jusqu'à Londres.

Vers des cieux plus cléments.

[Je te laisse conclure ou ? =) ]